Après l’an dernier, pour la deuxième fois j’avais le plaisir d’aller au Japon.

1520Professionnel

L’objectif premier est professionnel. Mon voyage de l’an dernier nous a permis de nous implanter en trouvant un distributeur pour Raidlight. Après une première saison excellente, environ 100.000€ d’exportation au Japon, ce voyage avait pour but de conforter la relation, et d’aider à la promotion en expliquant l’histoire de nos produits et de Raidlight au marché Japonais. Quoi de mieux que d’aller courir la Hasetsune, premier Trail du Japon, plus de 2.000 coureurs, 21ème édition (le pendant des Templiers en France).

Voyage

Avant la course, le voyage c’est d’abord le plaisir de l’immersion dans une culture différente et riche. Bien entendu à Tokyo, beaucoup de repères pour s’en sortir, un métro classique, de grandes enseignes connues, un monde organisé en partie pour le tourisme. Mais dès que l’on sort des grandes artères, ou bien dès que l’on rentre dans un restaurant plus petit, « l’aventure commence »… Petit restaurant local, chambre d’hôte de campagne, trains de banlieue, temple au coin d’une rue, j’apprécie ces moments fait d’inconnu, où le mieux est d’observer, et de faire comme les autres… Ce serait difficile d’expliquer la culture japonaise en quelques lignes, je dirais simplement qu’elle est chargée d’ordre et de respect, et forcément vu de chez nous d’exotisme, mais vu de chez nous…

1461Mont-Fuji

Après trois premiers jours très chargés, avec des rendez-vous en journée, et les mails de la France le soir, je réussi à programmer une journée « off » au Mont-Fuji. Gravir le Mont-Fuji, sommet mythique du Japon. Le sommet n’est pas difficile, un peu haut (3.700m), mais seulement 1.400m de dénivelé à grimper. La saison c’est juillet et aout, nous sommes en octobre. J’ai de la chance, c’est encore en condition, la neige n’est pas encore tombée. Et après plusieurs jours de météo bouchée à cause d’un typhon à proximité, le soleil s’annonce de la partie. En saison, l’itinéraire de sommet est littéralement bondé, mais mi-octobre, nous croiserons à peine 10 personnes.

Fuji 2Je fais le sommet avec un Traileur japonais, Keisuke Ichinose,  que m’a affecté notre distributeur, qui est aussi vidéaste et photographe. Le plsu compliqué aura été de rallier le point de rendez-vous en métro et en train, avec 5 changements, loin du métro occidentalisé de Tokyo. Ensuite le chemin du Fuji est magnifique, volcanique. Je vois le cône magnifique depuis la gare en descendant du train, mais à peine arrivé au point de départ nous sommes engloutis dans les nuages. Il nous faudra une heure pour nous en extirper en prenant de l’altitude, et sous un grand ciel bleu nous sommes au sommet, avec une mer de nuage à 360°. Belles photos, tour du cratère, monastère, redescente avant d’être à nouveau englouti par les nuages.

1424Hasetsune

La Hasetsune, c’est un trail de 71.5km, avec plus de +4.000m de dénivelé, au fin fond de la Préfecture de Tokyo. Les montagnes ne sont pas très hautes, 1.500m d’altitude pour le point culminant, mais les chemins sont techniques, la plupart en crêtes boisées et vallonnées. Très vallonnées.

Le nom, Hasetsune, est le raccourci de Tsuneo HASEGAWA, alpiniste japonais qui avait créé cet évènement comme un parcours d’entrainement physique pour les expéditions. C’est depuis devenu le rendez-vous national (et international) du trail japonais, la grande course (pas encore rattrapée par l’Ultra Trail du Mont-Fuji – UTMF).

Au-delà d’un parcours difficile et immuable, la Hasetsune se distingue par l’autonomie qu’elle demande : il n’y a qu’un seul ravitaillement, au 42ème kilomètre, où il n’est donné que 1.5 litres d’eau. Egalement, avec un départ en début d’après-midi, la moitié de la course se déroule de nuit pour les premiers (et jusqu’au matin pour les autres…).

Au départ, pour faire les 42ers kilomètres et +2.500m, sous 29°C, après beaucoup d’hésitations, j’ai pris 3.5 litres d’eau. A voir mes voisins su la ligne, je suis le seul, et les deux américains ont visiblement à peine 1 litre… J’hésiterais presque à vider la moitié de mon eau dès maintenant !

Ça part vite, vraiment vite. Est-ce parce que je suis chargé comme un dromadaire, ou bien le niveau des premiers ? Jones, c’est l’américain qui a gagné l’an dernier, et qui a battu Jornet aux Canaries cette année. L’autre américain, Cameron Clayton est un bon aussi, et il y a pas mal de japonais tous affutés pour la course n°1. Le niveau a bien augmenté depuis quelques années, le temps de vainqueur de Ludovic Pommeret il y a 3-4 ans lui permettrait à peine d’être dans le top 10 aujourd’hui…

1585Il fait chaud, ça monte et ça descend, et je bois avec plaisir : au fur et à mesure j’allège le dos de chacune des 4 petites bouteilles qui complètent les bidons pipettes de devant. Ca avance vite, j’amortis les à-coups dans les bosses entre les super-grimpeurs et les super-descendeurs. Ils me semblent un peu trop généreux et kamikazes dans leur effort, et au 20ème je ne suis que 29ème de la course.

Le chemin de crête est sympathique, tout en sous-bois, beaucoup de marches en bois, à la montée comme à la descente. Il n’y a que 3 sommets culminant à 1.500m d’altitude, mais il y a un nombre incalculable de cotes et de descentes… J’avance, un petit coup de moins-bien au 25ème, mieux au 35ème où je suis 20ème. La nuit tombe déjà à  17h30, et je sors ma grosse frontale. Mentalement j’ai passé la moitié, et j’ai le sentiment que ça va (presque) descendre jusque l’arrivée. Je dévale bien, et je remonte quelques places, dont les 2 américains, HS sur le bord du chemin ! Enfin le ravito, enfin juste le point d’eau, je suis 15ème, en pleine bourre. Je fais un mauvais choix, je prends une bouteille qui au lieu d’être de l’eau est une sorte de boisson énergétique locale trop sucrée. Ils ont bien dû me demander, en Japonais… ;-). Trop tard, j’enquille.

Les montagnes russes reprennent, avec cette fois-ci le désavantage de la nuit de ne plus savoir vers où ça monte et vers où ça descend. Ma remontée entamée en descente est freinée par les cotes où j’avance moins bien. J’essaye de me rappeler le profil de la course, je ne sais plus bien si j’ai passé 1 sommet, 2 sommets, 3 sommets… et ça monte et ça descends… après ce qui semble être un sommet (toujours dans les bois), j’enquille la descente avec envie en pensant rattraper, mais en fait deux gus me doublent, ça casse un peu le moral… A la nouvelle traversée de route, je ne sais plus ce que va donner le parcours, nous en sommes au 50ème kilomètre, la boisson énergétique du ravito me tourne le ventre, mais j’ai quand même besoin de boire. Je suis en sévère difficulté. Pourtant je courre toujours, doucement, mais ceux qui me doublent vont bien plus vite et leur lumière disparait en quelques secondes. Avancer, avancer encore, quand ça monte, quand ça descend.

Il y a quand même l’ambiance des points de contrôle pour redonner de l’énergie. Les bénévoles font un max de bruit, les filles sont déguisées en cheers leader, et encouragent bien fort, « Gambate, gambate, kudasaiiiiii, gozaimasssss » (allez ! – ou équivalent dans le genre…). Le GPS a oublié 5 kilomètres depuis le début, et là je pense avoir bien fait 4-5 bornes quand il me dit que je n’en n’ai fait qu’un seul. Je le balancerais bien dans les ravins qui sont de part et d’autre du chemin et dont on ne voit pas le fond !

Enfin une piste roulante, avant le temple de Mitake San, que j’attends depuis des siècles. Mais je me méfie de nouvelles montagnes russes… J’ai quand même un peu lâché dans la tête. « Faiblement », j’ai décidé de ne faire la course qu’avec les vétérans ! Facile à voir, le numéro du dossard commence par l’âge, c’est-à-dire que les vétérans commencent par 4 ou 5. Alors je me laisse lâchement doubler par les autres sans réagir. J’ai l’impression d’être 30ème ou 40ème, et ça n’a plus vraiment d’importance, mais je n’ai pas vu beaucoup de 4xxx depuis le début de course, je dois pas être trop mal dans ce classement. Jusqu’à ce qui devait arriver arriva : un 4xxxx…

Banzaii ! je reprends le sabre entre les dents, et je l’enquille. Il a déjà pris 50 mètres, et il attaque à bloc. Je pense qu’il sait que le petit frenchy est aussi un 4xxx… Après cette pause d’une dizaine de kilomètres, je suis finalement en pleine forme ! Il est à bloc, et il faut vraiment que je relance à fond pour doucement revenir. A cette allure la lampe bouge un peu, le temps de régler l’élastique et il a déjà repris 100m. le GPS indique du 4’20s au kilo, plutôt pas mal sur du single de nuit après 60km de course ! Il reste 8 bornes, je me dis qu’on ne peut pas faire 8 bornes comme ça, mais il est tenace et on avance toujours aussi vite sur le plat et dans les descentes techniques. J’essaye de me remettre en condition de 6-7 bornes à bloc comme sur le petit Trail de la Bambée des Hameaux deux semaines plus tôt. Je l’ai accroché, je ne le lâche plus, quitte à régler ça dans le dernier km sur le bitume ! A cette allure, on redouble du monde. Avec ma lampe et ma clochette à ours, il sait que je suis toujours 30 mètres derrière lui… Il semble ralentir un peu, j’hésite entre rester derrière ou contrer, et je contre, mais maintenant il ne faut plus se retourner ! Je relance comme un malade, je crois qu’il a lâché. Depuis le 60ème c’est toujours du chemin, mais devenu très très roulant et cette fois-ci sans remontées permanentes. Je gère un peu, jusqu’à voir le panneau 2 kilomètres, personne en vue derrière, cool… ! Même si c’est un peu ridicule de ne s’être accroché qu’à ce vétéran, finalement cette course poursuite m’a bien relancé, et a fait passer les kilomètres bien plus vite ;-)))

15212km, 1km, arrivée ! Toujours une chaude ambiance, je suis content d’arriver et je suis finalement assez surpris d’être 20ème, c’est pas si mal pour une course niveau Templiers ! 3ème vétéran, j’aime pas regarder ce classement, mais cette fois-ci ce podium n’est pas volé vu l’énergie que j’ai mis pour le préserver ! Finalement je suis assez satisfait. J’étais moyennement préparé, assez fatigué du décalage horaire et du boulot de la semaine (un bouton de fièvre est venu pendant la course), et surtout j’ai subi ce parcours interminable de montagnes russes.

Ca fait une belle promo pour Raidlight, ah oui j’oubliais, mais ici je signe des autographes sur les sacs et maillots Raidlight ! Je ne sais jamais bien quoi marquer, mais ça fait partie du folklore local ! Et si ça fait monter les ventes, il faudra revenir l’an prochain, d’autant que maintenant je connais le parcours… 😉

1613

Je finis mon voyage par une nouvelle petite expérience, une nuit en hôtel « Capsule », ces hôtels où la chambre fait environ 2m3 seulement. Accueil tout en japonais, mais ce n’est plus un « suchi »….

Sayonara… !

 

 [easingslider id= »1992″]

Leave a Reply