Cette course je l’ai bien préparé. Les nombreux soutiens les jours précédents, pr mail et au salon des courses me font plaisir, mais ne me mettent pas la pression. J’ai également bien préparé les éléments matériels, et j’arrive serein et calme au départ.

Je ne renie pas mon pronostic : faire dans les 5 premiers serait déjà une bonne course vu le niveau du plateau. Ma grande question personnelle est : ai-je tout simplement le niveau pour être dans le groupe de tête, je ne le sais tout simplement pas, n’ayant aucun repère à ce niveau.

Nant-Sauclières

J’ai fait le choix de la grosse lampe, j’y vois dix fois mieux que d’autres qui ont des lampes minuscules. En me plaçant devant, je ne cherche pas à m’échapper, mais simplement à prendre la meilleure position, celle où on voit le mieux le chemin. D’ailleurs je ne m’échappe rien du tout, la meute compacte est derrière moi.

Au premier « coup de cul » vers le 8ème km (un mur pas long mais très raide), je décide de marcher alors que généralement ici ça court en tête de course. Comme le chemin n’est pas large, je marche, donc tout le monde marche. Thierry Breuil finit par me dépasser, mais alors qu’il est en tête en haut, il marche dans la descente pour ne pas faire la trace et qu’on le redouble…

Moi ma course fait 72km, pas plus, pas moins, et je gère mes 72km sans m’occuper des autres à attendre Pierre ou Paul. Je m’échappe légèrement à cette occasion, les secondes gagnées le seront pour plus tard… Je m’efforce de ne pas forcer, et d’avoir un rythme en dedans. Deux gars me rattrapent juste avant Sauclières, et ils passent en tête. Mon premier ravito se passe bien, j’embarque 2 bidons neufs et quelques gels, malgré la nuit et le monde on s’est finalement bien trouvé avec Claudie et mon père qui me font l’assistance.

Sauclières – Saint-Guiral

J’ai changé de lampe pour la minuscule que je conserverais en matériel obligatoire jusque l’arrivée. La différence est flagrante, je ne regrette pas mon choix de la grosse pour la première partie !

Les kilomètres avancent dans cette longue montée vers le Saint-Guiral. Je retrouve la tête de course avec 4-5 francs tireurs comme je nous appelle. Il faut continuer d’avancer…

La pente devient plus raide à la cote de la Guérite, et il y a quelques virages en épingle. C’est l’occasion de regarder derrière, ce que je n’ai pas encore fait. La meute m’a rattrapé ! Je suis surpris de découvrir tous les favoris de front et une vingtaine de coureurs en peloton juste derrière moi. Je ne suis pas surpris du fait qu’ils soient là (d’autant qu’on n’est pas monté très vite), mais du fait que le groupe se soit constitué et soit compact juste derrière moi sans m’avoir jamais rattrapé complètement.

Je pense compter mes mètres en tête, mais à ma grande surprise, ça arrange tout le monde que je mène. Je me permets même de marcher dans les raidards où ça courrait l’an dernier vers la 20ème place, et là les autres restent derrière et marchent aussi. Moi ça m’arrange… Je ne m emballe pas, on est loin de l’arrivée.

Sur la crête, la meute s’est effilochée, et nous sommes plus que 6 à passer dans la brume au sommet du Saint-Guiral.

Saint-Guiral – Dourbies

Sur le plateau, les premiers jaugeages se font. Thomas Lorblanchet passe un peu en tête, il semble très bien. Thierry Breuil le rattrape, mais jamais ne le double. Je le chambre un peu, parce que je le vois fort et facile, alors autant qu’il prenne au moins un peu la tête, même sans attaquer. Les deux compères discutent un peu en secret, parlent-ils tactique commune ? Derrière à l’affut mais en second plan il y a le jeune Etienne Diemuntch (20 ans), je le sens un peu juste mais pas mal, David Pasquio le breton est aussi dans le rythme et bien, David Laget me semble par contre bien rincé mais il est là. Moi je suis bien, je vois que j’ai le niveau pour être dans le groupe, ça répond à mes grandes interrogations de la veille, et je suis content d’être là. Je ne me mets pas de pression, je suis peut-être un peu trop spectateur de tout cela.

Premières descentes,  à ma surprise, je suis facile par rapport aux autres. Même très facile, je mets en vrac la file indienne à chaque fois. Comme je l’imaginais, Thierry Breuil semble plus limité dans les descentes un peu techniques, avec 3 petites chutes dans toute la descente. Je suis dans le même état d’esprit que depuis le départ : pas d’attaque, c’est bien trop tôt,  mais pas d’attente en peloton non plus. Je prends facilement 30 secondes d’avance dans la descente, elles me permettront de remonter cool  petit mur de La Rouvière. Là aussi je suis satisfait et j’apprends beaucoup sur moi. Je craignais aussi d’être dépassé par les cadors en descente et j’appréhendais un peu cette partie, et finalement j’y suis à l’aise. Surement que tout le monde à bloc je ne m’échapperais pas comme ça, mais j’apprends…

Quel dommage quand même que personne n’ait suivi pour mettre Thierry Breuil en difficulté dans ces parties techniques. Je n’ai jamais douté de sa force, et justement ça me semblait important de le mettre en doute et sous pression dans ces descentes. Surtout que si je suis facile et que je prends le large sans « attaquer », les autres bons techniciens n’auraient pas été dans le dur non plus. Mais non, le groupe préfère rester derrière « avec lui ». Diemuntch est jeune, Laget est dans le dur, je comprends. Mais dans mon esprit Pasquio attend-il encore de finir derrière Lorblanchet, Lorblanchet est-il de mèche avec Breuil ? Enfin bon, moi je cours 72km, cela m’amuse et m’occupe l’esprit,  je ne m’énerve pas, déjà bien content d’être spectateur privilégié de tout cela.

Nous arrivons à Dourbies où il y a le deuxième ravito, et beaucoup de monde. On sent la pression monter juste après le pont. La pente est raide dans le village, je m’en suis aperçu à la reco. Généralement on ne le sent pas trop en course avec tous ces spectateurs, mais généralement on le paye juste après, …quand il n’y a plus personne. Je décide donc de monter en dedans et de ne pas me laisser enivrer par la foule.  Je suis concentré à ne pas me déconcentrer, je fais ma course. Devant, l’explication de texte commence dès le bas de la cote, avant même le ravitaillement, entre dans l’ordre Breuil, Lorblanchet, Diemuntch, Pasquio.

Dourbies – Trèves

Je reste concentré. Après course on me dira que j’avais un peu la sale tête, mais non pourtant je suis encore bien, simplement je reste dans ma bulle pour bien ravitailler et ne rien oublier.

Ca attaque devant, je sais que c’est toujours dans la montée du Suquet que ça attaque… « Celui qui commence à marcher dans le Suquet peut dire adieu au podium » dit le dicton. Je la crains cette montée du Suquet : vais-je marcher ??? Laget est dépassé dans les genêts, devant Breuil fait le trou, suit Diemuntch assez proche. Derrière il y a le binôme Salomon : Lorblanchet qui décroche doucement Pasquio. Je marche juste deux fois 50 mètres, le temps de manger des gels et de boire, c’est pas mal. Mais j’ai marché… 3 minutes de retard en haut quand même, et derrière un maillot blanc revient pas mal.

En haut, je suis un peu juste. Rien à voir avec l’an dernier où j’errais dans le bois… Je suis calme, bien alimenté, mais je sens que le facteur limitant sera les cuisses, et je ne m’acharne pas à reprendre dans la descente. Je comptais un peu sur cette descente pour revenir, mais la route est longue et je ne prends pas le risque de tout casser. Je sais que l’écart se creuse irrémédiablement pour la victoire, et je sens bien que Breuil est le plus fort aujourd’hui, donc que le TTN part en vrille. Pourtant les kilos passent assez vite, mentalement je suis bien.

Trèves – Cantobre

Trèves, les souvenirs des deux ou trois fois où j’y suis venu en spectateur jauger les autres… Pour ça  il faut se placer dans la cote juste après le ravito et voir qui courre et qui marche… Alors je cours, doucement. Puis dès le virage passé, je marche ! Je sens les cuisses se tendre, et il faut gérer. Je monte à rythme réduit, mais ça avance quand même. Je vois le maillot blanc derrière se rapprocher, il me passe en haut, c’est Mantel. Je connais son expérience aux Templiers. Il va « à peine » plus vite que moi, mais je ne peux prendre le train. Plus loin à la route le Team Raidlight (Alexandre, Alain, David) m’encouragent et me donne l’écart. Ils me disent que Diemuntch est juste devant, effectivement je le rattrape avant Layolle. Il est cramé complet et marche, j’ai bien fait de ne pas m’acharner dans le Suquet. En le passant je l’encourage, mais comme toujours on met un petit coup de peur qu’il ne suive… En tout cas il a essayé, pour sa première expérience sur du long je dis Bravo.

Je me traine doucement. J’ai le haut du corps nickel, je suis super éveillé et conscient, mais les cuisses ne veulent pas avancer et tirent de plus en plus… alors je me traine. Pourtant je trouve que ça passe vite ! Dans le canyon, je vois Laget en contrebas : « merde il est encore là ??? ». J’en remets un petit coup… que je paye immédiatement : blocage complet des jambes par crampage. Je boitille, mais pour que ça passe la seule solution est de s’arrêter. Je compte jusque soixante : pas assez. Je prends encore une minute. Ohh lala j’entends Laget qui discute avec un gars : là ça sens la meute… Je repars doucement, et finalement ça repart doucement. La crête, puis juste avant la descente je vois un « jaune » derrière juste avant de basculer sur Cantobre. Je me demande qui c’est, puis sans me retourner je comprends que c’est le Gillou. Bingo, c’est le Gilles Guichard qui est derrière. Il ne va guère plus vite que moi, mais son diesel est plus efficace que le mien, il me rattrape juste avant le ravito. Je félicite le vétéran.

Cantobre – Nant

Ravito express auprès de Claudie et mon père, avant les Championnats de la Loire : avec Gilles nous sommes tous deux Stéphanois. Il a une sacrée équipe de suiveurs, il y a une sacrée ambiance ! En un regard avec Gilles, au détour d’une épingle, nous nous en amusons, et d’un sourire, nous nous envoyons un grand coup de respect mutuel.

Je me dis qu’il faut prendre ce train, mais il s’en va inexorablement, je manque de cramper dans ce foutu lit de rivière aux grosses marches ! Ne pas cramper dans le virage de Cantobre où il y a la foule, ne pas cramper ! Je ne vois que les jambes des spectateurs, je ne lève plus la tête. Pourtant je suis clair et bien, conscient, pas gazé  comme parfois. Mais je gère mes putains de cuisses !

A peine plus loin dans la forêt : ben oui ça finit par cramper… Tu peux rêver de croire que ça passera en marchant. A l’arrêt j’écoute les encouragements du ravito qui annoncent les poursuivants. Alexandre m’a dit 5 minutes au pont, j’en consomme déjà deux… Je repars, les falaises, le faux-plat, non vraiment je trouve que ça passe vite, même si je m’étire une dernière fois contre un arbre. La clairière, se laisser glisser une dernière fois en trottinant jusqu’à la crête. Deux gars me connaissent et m’encouragent : « criez si ça arrive derrière que je vois l’écart ! ». La descente est là, on entend le micro de l’arrivée. Je suis toujours à ce foutu ralenti, comme une voiture de rallye qui aurait deux pneus crevés et que le pilote ramène à l’arrivée.

Ne pas cramper dans la dernière cote, je la monte très doucement. Puis ça y est, mes enfants Heïdi et Chloé au dernier virage, on finit ensemble. 6ème !

Bilan

6ème, j’ai bien limité la casse vu le retour au ralenti depuis Trèves. Passé 5ème a Dourbies et finir 6ème c’est pas trop mal. Je visais le top 5, je le manque d’une place. Je crois que 5ème j’aurais été content, 6ème je suis un poil frustré, d’autant que je ne suis plus dans le Quinté des pronostics Kikourou.

Le TTN ? Il est bien loin le TTN, et ça fait des kilomètres que je sais que je ne suis « que » vice-champion de France ». On compte les bouses à la fin de la foire… C’est le sport. Franchement si au début d’année on m’avait dit que je ferais second au TTN, j’aurais signé, parce que l’an dernier ça ne me semblait pas du tout dans mes cordes… C’est juste le scénario d’avoir été en tête toute l’année qui donne ce sentiment. Si comme Mantel j’avais sauté sur le podium à la dernière course, cette deuxième place me ravirait ! Alors faisons contre fortune bon cœur, bravo au (double) vainqueur.

J’ai fait ma course. Avec des « si », on pourrait en faire des choses. Je sais qu’on va me demander « si » je ne suis pas parti trop vite, etc… Mais non, franchement non, j’ai fait mon rythme, et j’ai même été tranquille à marcher dans des cotes où ça court d’habitude. Donc non, je ne me suis pas cramé en partant trop vite. J’ai aussi tenté ma chance contre Thierry Breuil dans les seules descentes techniques en tentant de le mettre un peu sous pression, mais il a bien été accompagné, et a finalement bien géré. J’ai fait ma course. Les courses d’équipes ou certaines alliances sont parfois bizarres. Est-ce l’arrivée de l’argent (primes d’équipes) et de mercenaires du Trail ?

Je suis content. Content, oui, d’avoir côtoyé les grands, d’avoir vu que j’ai maintenant le niveau. Peut être un peu impressionné, peut-être un peu spectateur par moments. Et content d’avoir limité la casse, parce qu’avec ces crampes j’aurais pu prendre plus cher ! Et la course a toujours été agréable mentalement, même au ralenti avec les jambes cramées.

Je suis aussi forcément déçu. Déçu d’être une nouvelle fois passé si proche d’un bon truc, comme à la Réunion où j’ai fini une fois 5ème à 8 minutes du premier, une fois 4ème à moins d’un quart d’heure. Un jour ça va le faire, il n’y a pas de fatalité, il faut courir plus vite ! Cette course est peut-être la moins bonne de la saison.

Il pourrait y avoir cette « excuse » du fait que je bosse beaucoup en tant que Chef d’Entreprise. C’est certain que ça joue, en temps, mais aussi en stress. Pour cette raison je me sens 100% amateur, comme presque tous les autres d’ailleurs. Mais ce n’est pas une excuse. Le sport, c’est celui qui franchit la ligne le premier, quelque soit son origine. Et en course à pied nous avons encore ce privilège de tous courir ensemble, de toutes origines et de toutes conditions. Sportivement, j’étais 6ème ce We d’octobre, voilà tout.

Pourquoi ces crampes aux cuisses ? Je crois que c’est tout simplement l’effort, et que ce type de course à ce niveau c’est d’aller aux limites, et j’y étais. Je modifierais quelques petits trucs à l’entraînement, mais c’est peut être simplement mes limites physiologiques. Cela ne veut pas dire que je « laisse tomber », cela me donne une nouvelle motivation pour travailler et m’entraîner pour atteindre la dernière marche !

Egalement un grand merci à ceux qui m’ont motivé et encouragé… Et dans ce registre particulièrement un grand BRAVO au Team Raidlight (ouvert à tous), où à soixante sur cette course nous avons remporté le Challenge par Equipe. Oui, cela a aussi pour moi de l’importance, pas une importance commerciale, mais de l’importance humaine. Vu mon parcours sur ces 27 années de course à pied, je me sens plus proche du coureur amateur lambda que de certains champions logotisés. Cela ne veut pas dire que je mets tous les champions logotisés dans le même panier non plus, par exemple avoir fini juste devant ce grand Monsieur Vincent Delebarre m’honore.

Voila, j’en ressors quand même fier de cette année, j’aurais signé des deux mains il y a un an pour toute cette saison, y compris pour une place de vice-champion de France (dont j’ai bien conscience que la valeur est très très loin d’une médaille « olympique »)… Il reste des Défis pour l’an prochain, je ne sais pas encore lesquels, n’oublions pas que nous courrons pour nous faire plaisir.

A bientôt !

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